Combien d'espèces de moutons existe-t-il dans le monde ?

Matthieu Delatour • 12 septembre 2025

En bref


Le mouton, compagnon de l'humanité depuis plus de 10 000 ans, présente une diversité fascinante à travers le globe. Avec plus de 1 400 races répertoriées officiellement dans le monde, ces animaux se sont adaptés aux climats les plus variés, développant des caractéristiques uniques selon leurs terroirs d'origine. De la célèbre Mérinos d'Espagne aux robustes brebis islandaises, chaque race raconte l'histoire d'une région, d'un peuple et de ses besoins. Chez Tokilia, cette richesse nous passionne car elle révèle le potentiel extraordinaire de la laine locale, trop souvent négligée au profit d'importations lointaines.


Une espèce, mille visages : la diversité ovine expliquée

Scientifiquement, tous les moutons domestiques appartiennent à une seule espèce : Ovis aries. Cette espèce unique a donné naissance à une extraordinaire variété de races par sélection naturelle et artificielle. Chaque région du monde a développé ses propres lignées, adaptées aux conditions locales : climat, relief, ressources alimentaires et besoins humains.

Cette diversification s'explique par la capacité remarquable du mouton à s'adapter à des environnements très différents. Des déserts d'Afrique du Nord aux montagnes de l'Himalaya, des îles britanniques aux steppes de Mongolie, les moutons ont colonisé presque tous les écosystèmes terrestres.

La sélection humaine a accentué cette diversité en privilégiant certains caractères selon les besoins : production de laine, de viande, de lait, ou résistance aux maladies. Cette co-évolution entre l'homme et l'animal explique pourquoi chaque terroir possède ses races spécifiques.



1. Les races lainières d'exception

La Mérinos, originaire d'Espagne, domine le marché mondial de la laine fine. Ses fibres ultrafines (18 à 24 microns) en font la référence pour les textiles haut de gamme. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont perfectionné cette race, produisant les laines les plus recherchées au monde.

La Lincoln, race anglaise géante, produit une laine longue et brillante idéale pour les tapis et tapisseries. Ses toisons peuvent atteindre 30 cm de longueur, créant des fils d'une résistance exceptionnelle.

La Cormo, croisement entre Mérinos et Corriedale, combine finesse et volume de toison. Cette race moderne illustre les efforts constants d'amélioration génétique de la qualité lainière.



2. Les races rustiques des terroirs difficiles

L'Islandaise, isolée depuis plus de 1000 ans, a développé une laine unique à double couche : un sous-poil doux (þel) et des jarres imperméables (tog). Cette adaptation permet aux moutons de survivre aux hivers arctiques.

La Soay des îles écossaises conserve les caractéristiques ancestrales : petite taille, cornes chez les deux sexes, et capacité à muer naturellement. Cette race primitive nous rappelle les origines de la domestication.

La Awassi du Moyen-Orient excelle dans les climats arides. Sa laine grossière mais résistante protège efficacement contre le soleil et le sable, tandis que sa production laitière nourrit les familles nomades.



3. Les races locales européennes

L'Europe compte plusieurs centaines de races locales, témoins de l'histoire pastorale du continent. La Ouessant française, plus petit mouton du monde, était élevée sur les îles bretonnes pour sa laine colorée naturellement.

La Gotland suédoise produit une laine gris argenté recherchée pour sa couleur naturelle unique. Sa toison bouclée crée des effets visuels remarquables dans les textiles artisanaux.

La Bergamasque italienne, aux longues mèches pendantes, fournit une laine adaptée aux tapis et tissages rustiques. Son aspect spectaculaire en fait également une race d'ornement appréciée.



4. Les trésors méconnus d'Afrique et d'Asie.

L'Afrique abrite des races adaptées aux climats tropicaux comme la Djallonké d'Afrique de l'Ouest, résistante à la trypanosomiase. Sa laine courte mais dense offre des propriétés thermorégulatrices parfaites pour les climats chauds.

La Karakul d'Asie centrale produit la précieuse fourrure d'astrakan, mais aussi une laine adulte de qualité pour les feutres traditionnels. Cette race millénaire accompagne les peuples nomades dans leurs transhumances.

La Arabi du Moyen-Orient, à la queue grasse caractéristique, combine production de laine et réserves lipidiques pour survivre aux périodes de disette. Cette adaptation unique illustre l'ingéniosité de la nature.



Les races françaises : un patrimoine à redécouvrir

La France possède une cinquantaine de races ovines, reflet de la diversité de ses terroirs. Chaque région a développé ses lignées spécifiques, adaptées aux conditions locales et aux traditions gastronomiques.



1. Les races des massifs montagneux

La Tarasconnaise des Pyrénées produit une laine rustique parfaite pour les tissages traditionnels. Sa résistance aux intempéries en fait une compagne idéale des bergers d'altitude.

La Thônes et Marthod des Alpes savoyardes combine rusticité montagnarde et qualité lainière. Sa toison blanche et dense protège efficacement contre les rigueurs alpines.



2. Les races de plaine et de bocage

La Solognote du centre de la France offre une laine de demi-finesse idéale pour les usages polyvalents. Sa couleur naturellement beige évite les traitements de teinture pour certains usages.

La Roussin de la Hague normande produit une laine marine, imprégnée des embruns qui lui confèrent des propriétés particulières de résistance à l'humidité.



3. Les races du Sud-Ouest : notre territoire d'action

La région Nouvelle-Aquitaine, où s'enracine Tokilia, abrite plusieurs races remarquables souvent négligées par l'industrie textile moderne.


i. La Manex : l'emblème basque

La Manex, brebis emblématique du Pays Basque, se décline en deux variétés : tête rousse et tête noire. Traditionnellement élevée pour son lait (fromage d'Ossau-Iraty), elle produit une laine de grande qualité, dense et élastique.

Sa toison, naturellement autoprotégée par la lanoline, résiste parfaitement au climat océanique basque. Les fibres moyennes (28-32 microns) offrent un excellent compromis entre douceur et résistance, idéal pour nos créations Tokilia.

Cette race locale incarne parfaitement notre philosophie : valoriser les ressources du territoire plutôt que d'importer des matières lointaines. Sa laine, abandonnée faute de filières locales, mérite pourtant une place de choix dans le textile durable.


ii. La Berrichonne du Cher : notre choix d'excellence

La Berrichonne du Cher, que nous utilisons pour notre fil de laine, illustre parfaitement le potentiel méconnu des races françaises. Principalement élevée pour sa viande, elle produit une laine remarquable aux qualités souvent sous-estimées.

Sa toison blanche, homogène et dense, présente une finesse surprenante (26-30 microns) qui rivalise avec certaines laines d'importation. L'absence de pigmentation facilite les teintures naturelles, offrant une palette infinie de couleurs.

Sa rusticité et son adaptation aux climats tempérés en font une race parfaite pour une production locale durable. En choisissant cette laine, nous soutenons les éleveurs locaux tout en obtenant une matière première d'exception.



Pourquoi privilégier les races locales ?

Le choix des races locales s'impose pour de multiples raisons environnementales, économiques et qualitatives.


1. L'adaptation climatique naturelle

Chaque race locale s'est adaptée à son environnement pendant des siècles. Cette adaptation génétique produit des laines aux caractéristiques uniques, impossibles à reproduire artificiellement. La Manex basque développe ainsi une laine naturellement imperméable, parfaite pour notre climat océanique.

Cette adaptation réduit considérablement l'empreinte environnementale de l'élevage. Pas besoin d'abris climatisés, d'alimentation importée ou de traitements vétérinaires préventifs : la race locale prospère naturellement dans son terroir.


2. La diversité génétique, assurance d'avenir

La concentration mondiale sur quelques races "performantes" appauvrit dangereusement la diversité génétique ovine. Les races locales constituent un réservoir génétique précieux pour l'adaptation aux changements climatiques futurs.

Maintenir ces races, c'est préserver des millénaires de sélection naturelle et humaine. Chaque race porte en elle des solutions d'adaptation que nous devrons peut-être mobiliser demain.


3. La qualité unique des terroirs

Comme les vins, les laines portent en elles l'empreinte de leur terroir. L'alimentation locale, le climat, la géologie influencent subtilement les qualités de la fibre. Cette typicité constitue une richesse irremplaçable face à la standardisation industrielle.

Nos créations Tokilia portent ainsi l'ADN du Pays Basque, offrant à nos clients une authenticité impossible à reproduire industriellement.


4. Les défis de la conservation

De nombreuses races locales sont menacées de disparition face à la concentration industrielle. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime que 26% des races ovines mondiales risquent l'extinction dans les prochaines décennies.

Cette érosion génétique représente une perte irréversible pour l'humanité. Chaque race qui disparaît emporte avec elle des millénaires d'adaptation et d'amélioration génétique.


5. Le rôle des artisans dans la préservation

Les artisans textiles comme Tokilia jouent un rôle crucial dans la préservation des races locales. En créant des débouchés économiques pour leurs productions, nous donnons aux éleveurs des raisons concrètes de maintenir ces lignées ancestrales.

Cette approche économique complète les efforts de conservation institutionnelle. Elle prouve que préservation du patrimoine génétique et rentabilité économique peuvent se conjuguer harmonieusement.


6. L'avenir de la diversité ovine

Les changements climatiques et les évolutions sociétales redonnent de l'actualité aux races locales. Leur rusticité, leur adaptation aux conditions extrêmes et leur faible impact environnemental en font des atouts pour l'agriculture de demain.

Les consommateurs, de plus en plus sensibles à l'origine et à la qualité des produits, redécouvrent les qualités uniques des productions locales. Cette tendance favorable ouvre de nouvelles perspectives pour la valorisation des races régionales.


7. Vers une renaissance des laines de terroir

L'industrie textile mondiale prend progressivement conscience de l'intérêt des laines de terroir. Leur traçabilité parfaite, leurs qualités uniques et leur faible impact carbone séduisent les marques responsables.

Cette évolution encourage la structuration de filières locales, créant un cercle vertueux entre préservation génétique, développement rural et satisfaction des consommateurs conscients.


Conclusion


La diversité des 1 400 races ovines mondiales constitue un trésor trop longtemps négligé. Chaque race porte en elle l'histoire d'un terroir, d'un peuple et de ses savoir-faire. Face à la standardisation industrielle, ces lignées locales offrent authenticité, qualité et durabilité.

Chez Tokilia, nous sommes convaincus que l'avenir du textile passe par cette redécouverte des ressources locales. En choisissant la Manex basque et la Berrichonne du Cher, nous ne valorisons pas seulement des laines d'exception : nous participons à la préservation d'un patrimoine génétique irremplaçable et soutenons une agriculture respectueuse de son environnement.

Chaque produit Tokilia raconte ainsi l'histoire millénaire de ces races locales, transformant un simple coussin en ambassadeur de la biodiversité domestique. C'est notre façon de prouver que l'économie circulaire et la préservation du vivant peuvent se conjuguer harmonieusement.

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